Appel à des Etats Généraux du Cinéma
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LA JOURNÉE DU 6 OCTOBRE 2022

Jeudi 6 octobre 2022, à l’Institut du Monde Arabe et sur les réseaux, plus de 2000 personnes se sont jointes à l’appel à des États Généraux du cinéma adressé aux pouvoirs publics par un collectif de professionnels et d’organisations du cinéma.

20 ans. Les chiffres de fréquentation dans les salles de cinéma françaises au mois d’août 2022 n’avaient pas été aussi bas depuis 20 ans. Ce nouvel indicateur est venu s’ajouter à une longue litanie de statistiques, de courbes et sondages, qui tous disent la même chose : un détachement croissant des spectateurs pour les salles de cinéma. Nous connaissons certaines des raisons de cette crise : les coups successifs portés au pouvoir d’achat, qui ont contraint les Français à revoir leurs dépenses de loisirs ; les confinements, qui nous ont renvoyés aux écrans domestiques ; le déploiement des plateformes, qui a bouleversé nos modes de consommation des images.

Et pourtant nous sommes encore l’une des industries culturelles les plus vertueuses du monde, créatrice d’emplois, de richesses économiques et symboliques. Notre parc de salles est l’un des plus denses d’Europe, nous avons produit en deux ans une Palme d’Or, un Lion d’or et d’argent, nous avons exporté nos films partout à l’étranger, nous avons mené une longue bataille avec les plateformes que nous avons intégré – en partie – à notre écosystème.

Mais beaucoup ont aujourd’hui le sentiment de mener seuls la lutte contre les puissances du marché. C’est pourquoi nous demandons aux pouvoirs publics de réaffirmer instamment à nos côtés un engagement ambitieux en faveur de la création et de sa diversité – un engagement qui passe aussi par la reconquête des jeunes spectateurs, dans le milieu scolaire comme en dehors.

Car les images de salles vides doivent nous alerter tous. Elles sont synonymes de destruction d’emplois, de perte de pouvoir symbolique, mais aussi de défaite intellectuelle. Cet Appel à des États Généraux n’a pas pour vocation la défense corporatiste d’une industrie chevillée sur ses acquis ; il n’est pas l’expression d’une nostalgie d’un temps passé ni d’une fronde antiplateformes. C’est une manière d’alerter les pouvoirs publics, et les spectateurs, sur la question de la préservation d’un art fondateur de nos vies en communauté…

Ce sont ces enjeux, à la fois culturels, industriels et sociaux, qui sont au cœur de notre Appel à des Etats Généraux du Cinéma, dont voici le déroulé thématique :

LES ENJEUX

I. RAPPEL : UN MODÈLE VERTUEUX

a. CRÉATION et DIFFUSION

– le cinéma, vivier de la “recherche et développement” de l’industrie audiovisuelle dans son ensemble
– troisième cinématographie au monde, et la première en termes de diversité
– un système de production protecteur, qui encourage la prise de risques et les œuvres audacieuses – dont celles de cinéastes étrangers, émergents ou reconnus
– un droit d’auteur fort, qui protège les créateurs et le pluralisme des œuvres
– une chronologie des médias garante d’une pluralité de financements et d’une exposition continue des œuvres, adaptée aux usages du public
– le parc de salles le plus dense au monde, fort d’un réseau Art et Essai qui est un passeur essentiel pour le cinéma indépendant
– des actions culturelles et des politiques d’éducation à l’image essentielles au renouvellement et à la fidélisation des publics
– un rayonnement international dans les festivals et auprès des publics étrangers

b. MISSIONS DU CNC ET DES POUVOIRS PUBLICS

– le CNC, un modèle envié et copié, structuré autour de plusieurs principes :
● la concertation, gage d’efficacité et de réactivité ;
● l’autonomie financière ;
● la mutualisation des ressources et la redistribution, qui permet un système vertueux et autonome ;
● la dégressivité des soutiens automatiques et du soutien sélectif, gages de diversité et d’audace ;
– depuis 1986, la loi institue des obligations d’investissement pour les diffuseurs, étendue en 2021 par le décret SMAD, qui contraint les plateformes à ces obligations .
C’est grâce à la réactivité des pouvoirs publics, et en vertu de ces lignes fortes, que le cinéma français est parvenu à surmonter plusieurs crises historiques (l’arrivée massive de films américains sur les écrans français après-guerre, de la télévision dans les foyers, puis de Canal+). La situation présente exige à son tour que les pouvoirs publics réaffirment un engagement ambitieux en faveur de la diversité de la création, singularité qui participe depuis des décennies au rayonnement de la France dans le monde.

II. CONSTAT : UN MODÈLE MENACÉ

a. CRÉATION et DIFFUSION

Parmi les sujets qui exigent la plus grande vigilance de notre part, et de celle des pouvoirspublics et de nos institutions :
– le maintien d’une ligne de partage nette entre cinéma et audiovisuel, et notamment via :
● le maintien d’un équilibre entre les crédits et les soutiens à la production cinéma et audiovisuelle : l’augmentation importante du volume des productions audiovisuelles ces dernières années se traduit mécaniquement par l’augmentation du fonds de soutien audiovisuel, qui creuse l’écart avec le fonds cinéma ; il faut veiller à un rééquilibrage pour soutenir le cinéma, premier lieu de l’invention des formes et de l’émergence des talents qui nourrissent la production audiovisuelle dans son ensemble ;
● la prise en compte de la répartition déséquilibrée des obligations des plateformes entre cinéma et audiovisuel, du fait de l’activité d’abord audiovisuelle des SMAD (les discours publics qui les présentent comme une manne financière de 300M€ pour la production cinéma et audiovisuelle cachent une autre réalité : à ce jour, les obligations pour le cinéma représentent environ 30M€ pour Netflix, 4,6M€ pour Amazon et de 5M€ pour Disney, soit un total de moins de 40M€ pour ces trois sociétés milliardaires face aux 60M€ d’obligations pour France Télévisions et aux plus de 160M€ pour Canal+) ;
● la vigilance la plus totale face aux tendances aux fusions et simplifications entre deux modèles très différents (exemple de la fusion Unifrance / TVFI) ;
● redonner la priorité aux soutiens à l’écriture cinéma, face à l’accroissement des appels à projets et formations à l’écriture de séries (exemple du rapport Sullivan – 131 occurrences du mot “séries” et seulement 2 du mot “cinéma”) ;
● d’une façon plus générale, le refus de toute porosité entre les guichets cinéma et audiovisuel (veiller par exemple à ce que l’avance après réalisation reste fermée aux films développés en filière audiovisuelle).

– la garantie d’un usage des aides sélectives cinéma à des fins de recherche, de diversité et de renouvellement des talents, en veillant :
● aux risques de glissements sémantiques, comme l’usage du terme “ambitieux” pour désigner des films au budget élevé, ou du terme « performante » pour caractériser l’avance sur recettes, qui laissent craindre à terme une prédominance des critères de marché ou des préfinancements acquis dans l’évaluation des projets ; la mission de l’avance, selon les mots mêmes du CNC, doit toujours être de “soutenir un cinéma indépendant, audacieux au regard des normes du marché
et qui ne peut sans aide publique trouver son équilibre financier” ;
● à la représentativité, notamment des métiers de la création et des auteurs dans leur diversité, dans la composition des membres des commissions.

– la préservation de la capacité des acteurs de la filière à innover et prendre des risques grâce à des financements pérennes :
● une évolution des règles de calcul du soutien financier, du crédit d’impôt et de l’avance sur recette – ce qui n’a pas été le cas pour l’instant, en dehors des mesures d’urgence prises pendant la période de crise sanitaire ;
● une prise en compte de la baisse structurelle des minimums garantis des distributeurs (de 223M€ en 2012 à 183M€ en 2021, soit -20%), de la suppression des fonds Tepa (qui représentaient un investissement dans le cinéma de 45M€ par an), et de la diminution de l’investissement moyen par film des SOFICA (-23% entre 2012 et 2021) ;
● une vigilance accrue de l’évolution des investissements des diffuseurs télé (si les accords signés en 2021 garantissent un relèvement conséquent de ces financements, ces derniers sont fonction du chiffre d’affaire des diffuseurs et on observait, avant la crise sanitaire, une baisse depuis de nombreuses années) ; la suppression de la redevance audiovisuelle fragilise à cet égard le budget des télévisions publiques et peut faire craindre de graves répercussions sur le financement des films français ;
● un encadrement très serré des obligations d’investissement des plateformes via le décret SMAD : si l’ensemble de la profession ne peut que saluer les obligations historiques imposées aux plateformes dans ce cadre, celles-ci restent insuffisantes et nécessitent une régulation extrêmement vigilante (la comparaison de Mme la Ministre, début septembre, entre le décret SMAD et la création du CNC est à ce titre disproportionnée) ;

● un encadrement légal précis, solidaire et mutualiste des droits de diffusion en non-linéaire, afin que la démultiplication des oeuvres mises à disposition en streaming ne se fasse pas en défaveur de la rémunération des individus auteurs ;
● une vigilance face à la baisse des budgets des films (le nombre de films inférieurs à 4 M€ est passé de 129 en 2012 à 168 en 2021 ; le devis moyen des premiers et deuxièmes films est en chute depuis 20 ans), qui fait peser de lourdes contraintes sur la création : baisse des rémunérations, conditions de travail dégradées pour les techniciens, etc ;
● un encadrement des coûts de fabrication, dont on observe l’inflation très importante due à la concurrence des plateformes.

– un endiguement des phénomènes de concentration pour éviter la dégradation de l’exposition des films de la diversité. La captation d’un volume croissant d’entrées et d’argent public par un petit nombre de distributeurs (les cinq premiers concentrent 58% des encaissements en 2021, contre 43% en 2014 ; les dix premiers 81% en 2021, contre 68% en 2014) et les rachats de salles par les circuits (les 7 premiers groupes d’exploitation concentrent 43% des écrans en 2021, contre 36% en 2014) induisent en effet un rapport de force défavorables aux indépendants et conduit aux dérives ci-dessous :
● absence de régulation de la diffusion en salle (insuffisance des engagements de programmation et des pouvoirs du Médiateur du cinéma) ;
● dévaluation de la notion d’Art et Essai (trop faible sélectivité de la recommandation et du classement) ;
● financiarisation du métier de la distribution ;
● augmentation massive des frais de sortie ;
● accès inégal à la promotion des films en salles et à la télévision ;
● absence de régulation de la promotion gratuite ;
● absence de clause de diversité pour les acquisitions TV et plateformes.

– un soutien actif à l’action culturelle et de l’éducation à l’image, fragilisées par :
● la préférence à des financements par appels à projet isolés, sans visibilité pluriannuelle ni fidélisation des publics ;
● la levée des obligations des organismes de gestion collective ;
● l’augmentation de la part administrative, associée à des objectifs de rentabilité
immédiate ;
● la menace de fermeture des options artistiques au lycée ;
● la précarisation des festivals : réforme de l’assurance-chômage, au détriment des professionnels non-éligibles à l’intermittence ; aucun soutien renforcé suite à la crise sanitaire, malgré la tenue en 2020 d’états généraux des festivals.

b. MISSIONS ET STATUT DU CNC ET DES POUVOIRS PUBLICS

Le CNC et les pouvoirs publics ont à charge de prendre en main l’ensemble des points évoqués
ci-dessus, d’imposer leur vigilance et de rééquilibrer les effets du marché. Il est nécessaire de se rappeler les principes fondateurs du CNC et de les préserver :
– une concertation constante et fructueuse entre professionnels et pouvoirs publics :
réfléchissons à la gouvernance du CNC et notamment à la constitution de son Conseil d’Administration, ainsi qu’au mode de désignation des membres de ses commissions et des rapporteurs spéciaux ; veillons à ce que les lobbies ne dictent pas le calendrier des négociations.

– l’autonomie financière du CNC doit être garantie, alors qu’elle a été à de nombreuses reprises affaiblie par des ponctions successives de ses recettes par le Ministère de l’Economie et qu’elle est aujourd’hui directement menacée ;
– les principes de mutualisation et de redistribution, répartis à part égale entre mécanismes automatiques (principe de continuité) et soutiens sélectifs (principe de diversité et de renouvellement) doivent être protégés et évoluer dans le sens des points de vigilance évoqués ci-dessus. Ils doivent servir à compenser les mécanismes du marché et non à renforcer les acteurs les plus compétitifs du marché (à l’exemple de l’appel à projet France 2030, ou de la suppression du Dicréam au profit d’un guichet fléché vers la “création immersive” du Métavers).

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